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Le gambit bulgare sur l’échiquier de la production et de l’acheminement du gaz

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Photo: EPA/BGNES

Oubliez le projet de gazoduc South Stream ! C’est terminé, Poutin y a mis fin de manière unilatérale ! Oui, mais que va-t-il se passer maintenant ? Ces derniers jours, les choses semblent évoluer de manière intéressante. Tout d’un coup, Bruxelles a déclaré le projet d’interconnexion gazière entre la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce de la plus haute priorité, y compris son financement. C’est ce qu’on a appris à la rencontre des ministres en charge du dossier de l’énergie à Bruxelles. Les trois pays concernés vont construire un couloir gazier vertical qui sera une alternative à South Stream et par lequel transiteront annuellement de 3 à 5 milliards de mètres cubes de gaz. Une des stations est déjà terminée - le terminal de gaz liquéfié à Revithoussa, en Grèce, qui a une capacité de 5 milliards de mètres cubes.

Autre option, le gazoduc Trans-adriatique qui, à partir de 2019, transporterait du gaz azéri du gisement en mer Caspienne « Shah Deniz 2 », vers la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, l’Albanie et l’Italie. En voici donc du concret.

Mais où est la Bulgarie dans tous ces plans et projets ? Au jeu d'échecs, le gambit est un sacrifice volontaire d'un pion ou, plus rarement, d'une pièce dans la phase d'ouverture. Le but est d'obtenir un avantage stratégique. Si l’adversaire accepte la pièce offerte, alors on parle de gambit accepté. Dans notre jeu, le gambit bulgare c’est le sacrifice des éventuels bénéfices de la construction du gazoduc South Stream, au nom des règles européennes et du Troisième paquet Energie. Apparemment, le gambit a été accepté et nous ne sommes plus seuls dans la lutte pour l’indépendance énergétique et la diversification. Mais ce n’est pas tout.

En ce moment la Bulgarie exploite plusieurs petits gisements dont elle extrait environ 360 millions de mètres cubes par an. Cela représente 1/10 de ses besoins en consommation. Cette année ont été découvertes deux autres réserves de gaz, qui selon les estimations, pourraient fournir environ 22 milliards de mètres cubes de gaz. On prévoit de commencer l’exploitation de ces gisements au début de l’année 2015 et en 2016 notre propre production pourrait atteindre 1,5 milliards de mètres cubes.

A ce moment-là, le pays sera en état de fournir 50% des besoins de consommation de gaz, une consommation au total plutôt modérée : seulement 3 milliards de mètres cubes. Récemment la Régie autrichienne de gestion du pétrole OMV a informé ses actionnaires que, selon leurs estimations, les réserves de gaz dans la zone économique bulgare de la mer Noire seraient de 100 milliards de m3. Si ces estimations se confirment, l’exploitation pourra commencer dès 2017. C’est probablement cette annonce d’OMV qui rend le Premier ministre Boyko Borissov optimiste au point de déclarer que la Bulgarie pourra un jour devenir elle-même exportateur de gaz.

En 2012, l’Etat bulgare a donné une licence de 35 ans à la compagnie américaine Тrans Atlantic Petroleum, pour l’exploitation d’un gisement de 10 milliards de m3 de gaz en Bulgarie du nord. Cette exploitation aurait déjà commencé si les députés bulgares, obsédés par l’affaire du gaz de schiste, n’avaient pas posé aussi une interdiction sur l’exploitation du gaz conventionnel. D’ailleurs, l’Allemagne qui a toujours été soucieuse de l’écologie, vient de lever l’embargo sur les sondages pour le gaz de schiste. A se demander pourquoi…

La troisième pièce du puzzle gazier c’est le gaz liquéfié. En Bulgarie c’est un sujet tabou du fait du lobby russe sur les tuyaux. Bien sûr lors de son acheminement dans les conduites, le gaz est toujours liquide. Mais les gazoducs sont des infrastructures stratégiques de longue durée et ils coûtent des dizaines de milliards. Quelle affaire ! C’est pourquoi les interconnecteurs représentent une possibilité de diversification pour atteindre une relative autonomie énergétique. Quand on a des terminaux gaziers, on peut en pratique acheminer du gaz pour des pays du monde entier à des prix concurrentiels. Nous avons déjà évoqué le terminal grec à Revithoussa, il existe encore une vingtaine en Europe d’une capacité totale de 210 milliards de m3 par an. Alors que l’Europe n’en consomme que 150 milliards de m3 !

En Bulgarie, dans la mer Noire un tel terminal est pour le moment sans perspective car la Turquie interdit le transport de gaz liquéfié par le Bosphore. Seuls les pétroliers peuvent circuler, ils sont parait-ils, moins dangereux. La Russie exporte du gaz liquéfié mais pas pour la Bulgarie. On se demande pourquoi ? Mais Kavala et Alexandroúpolis, situées sur la mer d’Egée sont seulement à une centaine de km de la frontière bulgare. Si nous construisons ensemble des terminaux sur ces ports, le gaz nous coûtera deux fois moins cher, soit 200 dollars les 1000 m3, au lieu des 400 actuels. Sa livraison aussi nous sera garantie. Ce scénario est dans l’intérêt de tout le monde – de la Serbie à la Hongrie et à la Slovaquie. Il ne reste plus que de le mettre à exécution, si nous avons tous la volonté politique. 

Version française : Miladina Monova



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