On dit souvent avec ironie que les citoyens de la Macédoine du Nord ne prennent la nationalité bulgare qu’à des fins mercantiles et c’est pour cela qu’à peine 3504 d’entre eux se sont déclarés Bulgares au dernier recensement en Macédoine du Nord, selon des données publiées sur le site de l’organisme national de la statistique. Le maître de conférences Spas Tachev, directeur du département "Démographie" de l’Institut d’étude de la population et de l’homme à l’Académie bulgare des Sciences est persuadé que le nombre réel des Bulgares en Macédoine du Nord est bien plus élevé :

Je le dis et je pèse mes mots : le recensement en Macédoine du Nord a été manipulé, avec des violations flagrantes des principes de la statistique européenne et en foulant aux pieds les droits de l’homme. Pendant ce recensement seules les personnes d’origine bulgare devaient présenter une preuve pour être inscrites comme Bulgares. Ceux qui n’avaient pas de telles preuves montraient leurs cartes d’identité bulgares pour démontrer une appartenance ethnique bulgare, mais étaient inscrits comme binationaux. Il s’agit de 20 000 personnes inscrites comme ayant la double nationalité bulgare et macédonienne. Et personne en Bulgarie n’a pensé à demander quel aurait pu être leur motif de présenter des cartes d’identité bulgares aux agents du recensement.

Il y a eu en outre, avant le recensement, des listes des citoyens macédoniens qui faisaient clairement savoir qu’ils se déclareraient Bulgares. C’est l’Agence de sécurité nationale de la Macédoine du Nord qui a établi ces listes, et qui a ensuite demandé aux agents du recensement de ne pas visiter les adresses de ces gens-là. Selon des données de la statistique officielle macédonienne il s’agit de 120 000 citoyens de la RMN qui n’ont pas été visités par les agents du recensement. Leurs données ont été remplies par les autorités à leur place. C’est la première fois que j’entends une chose pareille pour un recensement : l’État remplit les fiches à votre place au lieu de vous permettre de vous déclarer comme faisant partie de telle ou telle catégorie de la population. Nous avons donc 3504 Bulgares déclarés, 20 000 Bulgares inscrits comme binationaux et 120 000 personnes qui n’ont pas été visitées lors du recensement. Lorsque nous avons publié ces données, de nombreux Bulgares de Macédoine du Nord m’ont contacté pour confirmer qu’ils n’avaient pas été visités lors du recensement. Nous appelons donc à la création d’une commission d’enquête européenne qui puisse entrer en contact avec tous ces gens et constater ces violations drastiques des principes européens et des droits de l’homme.

Spas Tachev note qu’il y a deux ans et demi la Turquie a refusé de reconnaître les résultats de ce recensement en Macédoine du Nord et pense que la Bulgarie aurait dû faire de même et signaler les faits à ses partenaires euroatlantiques.

Le directeur du département « Démographie » à l’Académie bulgare des Sciences nous parle aussi de la réaction suscitée par la lettre publiée par l’association « Descendants de réfugiés et de migrants du territoire de la Macédoine du Nord et amis », dont il est le coprésident, et adressée aux partis albanais en Macédoine du Nord. Le service albanais de Radio Bulgarie a publié un article sur cette lettre.

Nous leur demandons dans cette lettre pourquoi ils soutiennent un gouvernement qui est contre le Corridor de transport №8. Nous leur demandons s’ils servent les intérêts de la Serbie, qui a fait tant de mal aux Albanais du Kosovo, et je dirais aussi aux Albanais en Macédoine du Nord. Bien que les grands sites d’information en albanais soient contrôlés par ces partis en Macédoine du Nord, il existe des sites indépendants en albanais qui ont parlé de cette lettre et ils ont utilisé précisément l’information publiée par le service albanais de Radio Bulgarie et j’en profite pour en remercier votre programme. Notre message est donc parvenu à ces partis et à peine quelques semaines plus tard le président du parlement albanais a visité la Macédoine du Nord et tous les médias macédoniens ont relayé le fait que l’Albanie a fait part de son mécontentement du refus de Skopje de participer à la construction du Corridor №8. C’était d’ailleurs une de nos questions : pourquoi les partis albanais soutiennent-ils une politique refusant de relier la Bulgarie, la Macédoine du Nord, l’Albanie et l’Italie ? Et nous voyons que l’Albanie a ainsi soutenu notre position, conclut Spas Tachev.

Photos: EPA/BGNES, BTA, BGNES

Version française : Christo Popov