En 2021, la Route de Cyrille et Méthode intègre la liste des 48 Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe. La tradition écrite, culturelle et religieuse cyrillo-méthodienne est ainsi reconnue comme partie intégrante du patrimoine du Vieux continent.

L’idée de la Route de Cyrille et Méthode est née comme une initiative conjointe de plusieurs communes dans la zone limitrophe entre la Tchéquie et la Slovaquie où à l’époque était située la Grande-Moravie. "L’œuvre de Cyrille et Méthode qui comprend la création du premier alphabet slave, l’alphabet glagolitique, s’associe à cette mission en Grande-Moravie", rappelle Elka Zlatéva, du Centre d’études cyrillo-méthodienne de l’Académie bulgare des Sciences. Quelques organisations des deux pays se tendent la main en 2019 pour déposer une demande au Conseil de l’Europe qui est pourtant rejetée avec l’argument que l’héritage de Cyrille et Méthode s'étend sur un territoire beaucoup plus vaste. Alors, une année plus tard, la Bulgarie est invitée à se joindre à cette initiative de promotion de la tradition écrite et religieuse slave.

"Cette tradition est très variée, elle comprend des fêtes religieuses et séculaires, des programmes de recherche et des programmes éducatifs, des festivals d’art, des fêtes populaires, des pèlerinages", explique Elka Zlatéva. "C’est un héritage multiple qui s’accumule sur le territoire du Vieux continent depuis plus de 11 siècle en devenant une part de l’identité et du passé des peuples slaves. Il est bien évidemment essentiel pour l’identité nationale bulgare."

Quels sont les vestiges de l’œuvre de Cyrille et Méthode et leurs disciples en terres bulgares qui s’inscrivent dans l’itinéraire culturel européen ?

"Il y a une diversité énorme de sites : églises, musées, réserves archéologiques et sites architecturaux", indique la chercheuse. "Le patrimoine culturel immatériel joue également un rôle important sous la forme de fêtes séculaires et religieuses, programmes éducatifs, célébrations. Beaucoup de sites ont déjà été identifiés en Bulgarie qui sont associés à Cyrille et Méthode. Et comme leurs disciples séjournent et travaillent en Bulgarie, la mémoire de l’œuvre des Sept Saints /Cyrille et Méthode et cinq de leurs cinq disciples - NDTR/ a également été conservée en terres bulgares."

Il s’agit de 115 églises consacrées aux saints Cyrille et Méthode et leurs disciples, deux monastères portant le nom des saints frères : à Gorna Banya et Klissoura, 11 chapelles, environ 100 lieux sacrés, le même nombre de centres culturels et bien sûr, la Bibliothèque nationale. Il faut noter également que la diaspora bulgare à l’étranger garde aussi la mémoire des saints frères en les érigeant en saints patrons de 37% des écoles bulgares.

Chaque étranger qui veut visiter la Bulgarie dans le cadre de la Route de Cyrille et Méthode est obligatoirement muni d’un "paquet" de connaissances :

"La Bulgarie joue un rôle extrêmement important pour la conservation et le développement de la culture écrite et littéraire slave", souligne Elka Zlatéva. "Il faut faire une distinction qui pourtant n’est pas toujours facile, même pour les Bulgares. Cyrille et Méthode ont inventé le premier alphabet slave, le glagolitique, transformé et adapté par la suite aux besoins de l’Etat bulgare par leurs disciples qui ont créé un nouvel alphabet, le cyrillique, qui porte le nom de leur maître. Il est également important de noter que l’alphabet cyrillique est l’une des écritures les plus répandues dans le monde, utilisée aujourd’hui par plus de 300 millions de personnes. Après l’adhésion de la Bulgarie à l’UE, elle a été reconnue comme un alphabet européen et des lettres en cyrillique ont été imprimées sur les billets de 5 euros. Nous espérons qu’une fois que la Bulgarie aura intégré la zone euro et que des pièces de monnaie bulgares auront été émises, ces symboles de notre identité culturelle deviendront encore plus reconnaissables sur tout le continent."

Les touristes qui parcourent la Bulgarie en suivant ce circuit transfrontalier, vont dans les anciennes capitales. Ils visitent les monastères où sont conservées certaines des inscriptions cyrilliques les plus anciennes qui ont été datées, tel le monastère rupestre près du village de Kreptcha où se trouve l’inscription la plus ancienne qui est connue, datée de 921. Ils sont attirés par les bibliothèques et les musées qui accueillent de précieux manuscrits glagolitiques et cyrilliques. On peut y ajouter les nombreuses manifestations du patrimoine immatériel sous la forme d’ateliers de calligraphie, écoles d’histoire locale qui renseignent sur les monuments d’importance locale et régionale.

"Ce qui est propre à la Route de Cyrille et Méthode est qu’il ne s’agit pas d’un itinéraire de pèlerinage", continue Elka Zlatéva. "Elle comprend plusieurs couches, dont un "réseau de recherche" composé d’instituts et universités qui s’occupent de ces sujets, de même que des organisations éducatives travaillant avec des enfants et des jeunes dans le cadre de différentes initiatives. La Bulgarie dispose des conditions nécessaires pour le développement d’un tourisme culturel authentique mais il faut pour ce faire de nouvelles formes plus intéressantes pour les touristes contemporains. Ces dernières années, le tourisme à vélo s'impose comme le produit touristique alternatif le plus couru."

Pourtant, pour mettre en place des itinéraires cyclables qui emmènent les touristes aux sites emblématiques associés à la culture et l’histoire bulgare, il faut disposer d’une bonne infrastructure.

"Malheureusement, l’accès à beaucoup de sites importants du Premier et du Deuxième Royaume et la Renaissance bulgare est difficile faute de bons aménagements", indique la chercheuse.

En dépit des difficultés, la Route de Cyrille et Méthode croît et se développe. "Les circuits culturels sont un instrument intéressant qui met en œuvres différentes approches pour mettre le patrimoine culturel à la disposition de l’européen moderne, curieux, exigeant et explorateur", conclut Elka Zlatéva qui croit en leur avenir.

Version française : Maria Stoeva

Crédit photos : Diana Tsankova, kmnc.bg, БТА, mitropolia-sofia.org, Miroslav Guéorguiev, muzei-provadia.com