Dans le pâté d'immeubles d’habitation du quartier « Kaleto » (forteresse en français) se dresse la silhouette de l’ancienne maison de prière des Juifs de Vidin. Et bien que l’édifice, œuvre d’architectes italiens, n’ait pas été épargné par le temps et l’incurie des hommes, la synagogue, vieille de plus d’un siècle n’impressionne pas moins par sa beauté sévère et sa stature imposante.
L’histoire de la synagogue garde le souvenir de la cohabitation paisible entre Bulgares, Turcs, Arméniens, Juifs et Roms jusqu’au milieu du 20e siècle ; des étoiles jaunes que les descendants de Jacob devaient porter à leur vêtement entre 1941 et 1944, la Bulgarie étant l’alliée du IIIe Reich ; du départ volontaire, dans les années 50, de 1200 Juifs de Vidine, désireux de rejoindre l’Etat nouvellement crée d’Israël. C’est depuis cette époque que la synagogue n’est plus active et aujourd’hui seul le squelette de l’édifice permet d’imaginer sa splendeur passée.
Si les travaux de restauration sont menées à bonne fin, dès l’année prochaine la synagogue pourra recouvrer son aspect d‘origine. A la différence des tentatives infructueuses faites dans les années 80 du 20e siècle, qui n’ont eu pour résultat qu’un amoindrissement du bel édifice, au propre comme au figuré.
« A cette époque on avait décidé de refaire la toiture de la synagogue, on avait donc laissé à découvert le bâtiment et placé une grue au beau milieu du chantier – rappelle l’architecte Lubomir Stanislavov, à qui nous devons le projet de restauration de ce lieu de culte.
Or en 1986 on se retrouve à court de financements, les équipes techniques font évacuer la grue et la nouvelle construction métallique est abandonnée dans la cour – sans aucun souci de protéger tant soit peu l’édifice des intempéries. Ce qui frise le vandalisme, parce que si actuellement la synagogue est une vraie ruine c’est la conséquence de l’installation de cette grue au cœur de l’édifice. »
En 2017, Shalom, l’organisation des Juifs de Bulgarie fait don de la synagogue à la Ville de Vidin à condition de la réhabiliter et d’en faire un centre culturel qui portera le nom du peintre français bien connu Jules Pascin, qui a vu le jour dans la communauté juive de la ville danubienne.
Les instances compétentes ont bénéficié de financements dans le cadre du programme opérationnel Régions en croissance et d’un prêt du fonds pour le développement urbain, et espèrent que les 10 millions de leva (5 millions d’euros) réunis feront revivre la synagogue avant la fin de l’année et elle pourra entrer dans son nouveau rôle.
« La synagogue retrouvera son aspect d’origine, d’il y a 125 ans – poursuit l’architecte Stanislavov. – Heureusement nous disposons de documents d’archives, photos et grâce à eux la maison de prières retrouvera sa silhouette imposante sur le cours du Danube. A Vidine, dans un diamètre de cent mètres sont réunis les plus prestigieux édifices historiques de la ville. »
Et l’architecte explique que la synagogue est un temple à trois nefs avec une abside qui termine la nef centrale. Elle comporte un narthex ou vestibule d’entrée, des galeries et quatre tours – c’est un bâtiment remarquable. La synagogue de Vidine est la deuxième plus importante synagogue sur le Danube après celle de Budapest et la deuxième de Bulgarie après celle de Sofia.
« Elle sera réaménagée en une salle polyvalente à l’acoustique excellente ce qui lui permettra d’accueillir des concerts, des expositions, des rencontres et, pourquoi pas des fêtes – poursuit ses explications l’architecte Stanislavov. – Son deuxième niveau sera réservé à des expositions permanentes, liées à l’Holocauste et à la riche œuvre de Jules Pascin. Il y aura aussi la bibliothèque ainsi que des locaux pour accueillir les activités de Shalom. Mais encore, l’édifice sera ouvert aux visites et les touristes auront la possibilité de s’acheter des objets de souvenir, des livres et des brochures consacrés à son histoire. Le centre sera une nouvelle acquisition pour la ville, qui possède déjà une vaste salle de sport, mais toujours pas d’espace culturel. »
Vidin, connue autrefois pour abriter une des plus nombreuses communautés juives de Bulgarie, n’en compte de nos jours que quelques représentants. Mais leur maison de prière gardera à jamais le souvenir des Bulgares qui se sont unis pour sauver leurs Juifs de la mort dans les chambres à gaz d’Auschwitz et sera un symbole lumineux dans les moments d’épreuves.
Version française : Roumiana Markova
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